Bénabar se livre avant sa venue au zénith de Nancy le 11 avril

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Bénabar, qu’avez-vous fait durant les trois années qui se sont écoulées entre votre dernier album et le précédent ?

Il y a eu deux tournées. Il y en a d’abord eu une des Zénith, qu’on a faite en 2012, puis une des théâtres en 2013. Les trois ans ont en fait été une année, les deux autres, j’étais sur la route. Du coup, la troisième c’était le travail sur l’album… Ça a été très laborieux !

Comment a finalement pris forme « Inspiré de faits réels » ?

Comme pour tous mes autres albums, en fait, dans une forme de simplicité retravaillée à l’extrême. J’essaie, au début, d’être très simple dans ce que je raconte, dans mes inspirations… D’être sincère. C’est la chose qui me préoccupe le plus dans ce que je chante. Et une fois que cela est posé, je retravaille à l’extrême pour que ce soit digne d’être entendu.

Vous êtes un perfectionniste qui met toujours beaucoup de sentiments dans ce que vous faites. Ressentez-vous le besoin de les exprimer à travers vos chansons ?

Je crois. Je m’en rends compte, c’est quelque chose que je n’ai jamais vraiment mesuré. Je m’aperçois aujourd’hui, avec « l’expérience », que la seule chose qui m’intéresse, c’est la poésie et surtout l’émotion, quelle qu’elle soit. C’est ce qui m’anime. Rétrospectivement, c’est facile à dire mais je crois que c’est ce que j’ai toujours cherché. Il faut qu’il y ait quelque chose qui se passe.

Dans vos concerts, justement, il se passe toujours quelque chose. Vous ne vous limitez pas à un simple récital, il y a une véritable interaction avec le public. Est-ce important pour vous ?

Oui, parce que je n’ai jamais considéré la scène comme étant un service après-vente d’un album. Pour moi, c’est vraiment indépendant. Et surtout, c’est une histoire de parcours personnel. J’ai commencé dans les bistrots. Les gens ne venaient pas pour moi. Il fallait que je leur donne une raison de rester ! Très sincèrement, même si évidemment les salles sont plus grandes, que les choses vont mieux, j’ai toujours cette peur que les gens partent. Pour moi, un concert, ce n’est pas juste faire des chansons, il faut qu’il se passe quelque chose avec le public, mes musiciens, les techniciens. J’ai hérité de ça de mon parcours dans les clubs.

Un parcours qui a duré cinq ans. Est-ce que c’est ce qui explique que l’on a parfois l’impression que vous vous excusez d’avoir du succès ?

C’est vrai qu’il y a un peu ce sentiment. Mais pas celui d’imposture, je n’ai jamais eu le complexe de l’imposteur parce que je travaille pour ça. Mais c’est vrai, je me souviens encore de cette époque-là… Il y a peut-être un peu d’excuse mais en tout cas, je ne suis du tout pas blasé ! Quand il y a du monde dans la salle, ça me surprend toujours, encore aujourd’hui. De pouvoir tourner, de monter dans bus, faire le tour de la France… À chaque fois, je prends ça comme un cadeau.

On vous sent par ailleurs profondément irrité et indigné face aux injustices. Est-ce que cela vous « anime » aussi lorsque vous écrivez ?

Oui et surtout, ça me travaille personnellement. Je ne sais pas trop d’où ça vient. C’est vrai que cela me touche toujours, je ne suis pas du tout blindé. Je sais que c’est un métier où il faut l’être. Je n’y suis jamais arrivé, même si ça va mieux. Maintenant, je suis père de famille, j’ai 45 ans… En fait, je suis plus devenu écorché vif que je ne l’aurais souhaité.

On se souvient de vos coups de gueule… Est-ce qu’à 45 ans cette indignation s’exprime plus par votre travail ?

Oui, c’est ça… Il y a un truc moins tendu, j’espère. C’est l’âge qui fait ça. Et l’âge aidant, on comprend aussi que ce n’est pas seulement la façon dont on dit les choses. C’est-à-dire que des fois, quand on a quelque chose à dire à quelqu’un, il vaut mieux lui dire posément que de lui sauter à la gorge. C’est l’avantage d’avoir vieilli !

Outre la musique, on vous a vu aussi au théâtre et au cinéma. Vous y reverra-t-on ?

Oui, oui, je l’espère. J’ai refait un film avec Pierre Jolivet, qui va sortir le mois prochain et dans lequel j’ai un petit rôle. J’aime beaucoup le film. J’ai aussi fait une série pour la télévision. Le métier d’acteur m’intéresse beaucoup, même si je sais que c’est un truc accessoire que j’ai la chance de pouvoir faire. Je ne suis pas vraiment un acteur mais cela m’intéresse réellement, sans être avide. Je ne cherche pas à tourner coûte que coûte. J’essaie de choisir les projets. Des projets où j’ai le sentiment, parfois un peu vaniteux, que je peux être bon dedans et servir le film.

Pour revenir à votre tournée, comment se sont passées vos retrouvailles avec le public ?

Je dois dire, et je touche du bois en vous le disant, plutôt bonnes. Cette tournée a quelque chose, qui va d’ailleurs avec le dernier album, d’assez simple -et je mesure mes mots parce que c’est assez prétentieux- d’assez maîtrisé. Avec les musiciens et les techniciens, cela fait quasiment 20 ans que l’on tourne ensemble. Du coup, tout est détendu. Et je crois que je suis parvenu à faire un album assez limpide. Comme un bon plat sans une sauce un peu bidon dessus ! C’est ce que je voulais faire et c’est apparemment ça que l’on perçoit en ce moment sur cette tournée.

Vous êtes de ces artistes qui vivent loin du star-system. Pensez-vous que cette image du mec qui a conscience de ce qui se passe en France contribue à cette proximité que vous avez avec le public ?

Du point de vue du public, je ne sais pas. Mais c’est vrai que depuis toujours, mes producteurs et moi nous faisons attention aux prix des places… Je ne suis pas le seul d’ailleurs, nous sommes nombreux de ma génération à le faire. Du coup, ce sont des places pas chères à 20 euros pour les chômeurs et les étudiants, des packs familles à 100 euros pour quatre… On essaie de tenir compte de ces choses-là, d’appliquer le fait d’être chanteur « tout public ». C’est le public qui décide de venir me voir. Je ne veux pas que quelqu’un vienne me voir et me dise que c’était trop onéreux.

Quoi qu’il en soit, visiblement, après 20 ans de carrière, l’envie et le plaisir sont toujours présents !

Ah oui ! C’est inaltérable. C’est tellement une joie et un privilège de monter sur scène, de raconter ses petits états d’âmes égoïstes et de faire de la musique, je le dis encore une fois, je ne suis pas blasé et extrêmement reconnaissant de pouvoir aller sur scène.

Bénabar sera au Zénith de Nancy, le samedi 11 avril, à 20 h.
Propos recueillis par Yannick VERNINI

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