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POUR PALLIER NOTAMMENT LA CHUTE DES VENTES D’ALBUMS, LES ARTISTES FONT DES TOURNÉES DE PLUS EN PLUS LONGUES. N’AVEZ-VOUS PAS PEUR DE DONNER LE CONCERT DE TROP?
J’y pense souvent. Il ne faut pas qu’un concert devienne un acte banal. Ce n’est bon ni pour le public, ni pour l’artiste. Prenez la Belgique. Depuis la sortie de mon dernier album “Les bénéfices du doute” en décembre 2012, j’ai joué à Forest National, aux Francofolies de Spa, au Brussels Summer Festival, au Théâtre Royal de Namur et au Cirque Royal. Bien sûr, il y a une demande du public. Bien sûr, on a changé la formule des concerts et le répertoire, mais ça fait quand même beaucoup. Il faut parfois se faire oublier ou, tout simplement, essayer autre chose pour ne pas tomber dans la routine du cycle album/tournée/album. Je sais déjà que je ne donnerai pas de concert l’année prochaine.
EN 2013, EST-IL ENCORE IMPORTANT POUR UN CHANTEUR DE FAIRE DES ALBUMS?
Je n’en suis pas certain. Personnellement, je n’ai jamais été très soucieux du format album. Je fais des chansons et lorsque j’en ai une douzaine qui me satisfont pleinement, je les rassemble sur un disque. Avec le développement des sites d’achats en ligne comme iTunes ou des plateformes d’écoute en streaming comme Deezer, la manière de consommer de la musique a changé. On revient un peu au début des années soixante, période où le 45 tours était roi. Les gens écoutent une ou deux chansons d’un artiste et puis, vont voir ailleurs. Moi, ça ne me dérangerait pas de sortir des disques plus courts dans leur durée, avec trois ou quatre chansons seulement, mais de manière plus fréquente.
FAITES-VOUS ATTENTION À VOS CHIFFRES DE VENTE?
Bien sûr. Être artiste, c’est un truc très démocratique. C’est le public qui décide si vous allez faire un nouvel album ou pas, c’est lui qui décide si vous allez chanter devant 500 ou 5.000 personnes. Je vénère Jacques Higelin et Renaud, mais il y a pourtant des chansons dans leur répertoire que je n’aime pas du tout. Il faut l’accepter, comme il faut accepter le fait que nous ne sommes pas propriétaires d’une place bien déterminée dans la chanson française. Certains disques marchent moins bien que d’autres et il arrive même qu’à un moment donné, on n’intéresse plus personne.
UNE CHANSON DE VOTRE DERNIER ALBUM S’INTITULE LES RÂTEAUX. VOUS EN ÊTES-VOUS DÉJÀ PRIS UN?
Artistiquement, ça m’arrive. Et pas que des râteaux, je me prends aussi des coups de marteau sur la gueule. Benjamin Biolay me démolit à chaque fois qu’il en a l’occasion. Et maintenant, c’est Alex Beaupain qui s’y met. Je trouve d’ailleurs qu’on attache trop d’importance à ma petite personne. Les journalistes qui ne m’aiment pas me citent toujours en référence: “celui-là, il fait du sous-Bénabar” ou “celui-là, c’est encore pire que Bénabar”. Mais c’est sans doute le jeu.
AVEC “LES RISQUES DU MÉTIER” (2003) ET “REPRISE DES NÉGOCIATIONS” (2005), VOUS ÊTES DEVENU UN PHÉNOMÈNE DE SOCIÉTÉ. COMMENT L’AVEZ-VOUS VÉCU?
Avec beaucoup de lucidité et la certitude que ça allait retomber. J’ai la chance de ne jamais me laisser m’emballer. Mon père, qui était régisseur pour la télé et le cinéma, m’a emmené très tôt sur les plateaux de tournage. J’ai bossé comme stagiaire, j’apportais les cafés, j’allais chercher les sandwiches, je servais de chauffeur pour les vedettes. Ce fut une expérience formidable qui m’a appris l’humilité. Je suis fier de mon parcours. J’ai fait des erreurs, mais pas trop.
EST-CE QU’IL Y A UNE CHANSON QUE VOUS REGRETTEZ D’AVOIR ÉCRITE ?
Non, mais il y a des chansons que j’aime moins aujourd’hui que d’autres. Je suis attiré par les petites choses du quotidien, j’observe et j’écris de manière très spontanée. Après, il m’arrive parfois de regretter un mot ou une tournure de phrase. Dans Politiquement correct, je dis: “mais moi, je t’emmerde”. J’aurais dû écrire “je les emmerde”, ce serait beaucoup mieux passé. C’est une coquille d’auteur.
DANS CETTE MÊME CHANSON, VOUS DITES NE PAS VOUS SENTIR MENACÉ PAR LES MINARETS. CE N’EST PAS LE CAS DE TOUS LES FRANÇAIS.
Je n’ai pas peur des minarets mais j’ai peur de tous les extrémismes, qu’on les trouve chez les Juifs, les catholiques ou les musulmans. En France, beaucoup de gens sont en colère et ils ont de bonnes raisons de l’être. Quand on leur donne l’occasion de s’exprimer sur Internet ou dans un sondage, ils se lâchent, mais je ne crois pas pour autant qu’ils soient tous cons, racistes ou homophobes. J’ai voté socialiste aux dernières élections présidentielles et je suis en faveur du mariage pour tous. Mais je comprends aussi que certains Français, qui n’étaient pas forcément contre le mariage pour tous, aient défilé dans les rues. Dans ce débat, vous ne pouviez pas poser une question ou même vous taire sous peine d’être montré du doigt ou de paraître rétrograde.
CE N’EST PAS L’AMOUR FOU ENTRE VOUS ET BENJAMIN BIOLAY. QUE S’EST-IL PASSÉ?
C’est à Benjamin Biolay qu’il faut le demander.
MAIS C’EST VOUS QUI ÊTES EN FACE DE NOUS.
Franchement, je ne sais pas. Je l’ai rencontré pour la première fois dans un bar de Paris il y a une dizaine d’années et nous nous sommes quittés bons amis. On s’est même fait la bise. Peu de temps après, il a commencé à me prendre en grippe dans la presse. Dès qu’il avait un journaliste devant lui ou un micro tendu, il balançait sur moi. Je n’ai jamais répondu à ses attaques et puis, quand le vent a tourné, il a voulu se réconcilier, mais j’ai refusé.
POURQUOI?
Parce que je suis rancunier et qu’il est allé trop loin. C’est carrément du harcèlement moral. Je suis la victime de ce garçon et de tous ses petits copains qui le vénèrent. Je n’ai jamais rien dit de mal sur lui. Vous êtes le premier à qui j’en parle. Mais Biolay, lui, il n’a jamais raté une occasion. Il a manqué de respect à ma femme, il m’a traité de tête de con, il a dit que j’étais nauséabond. Il ne s’en est pas pris à mes chansons, il s’est attaqué à moi.
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Interview complète dans le Moustique du 19 juin