Par Benjamin Locoge – Paris Match
De prime abord, « Super-Welter » fait peur. Avec ce disque frondeur et rentre-dedans, on commence par croire que Raphael s’est égaré. En dix titres et trente-cinq minutes, il s’éloigne plus que jamais de la chanson classique, de la ritournelle bien policée, de la popsong à la « Caravane ». Il y a deux ans, «Pacific 231 » avait déjà donné un aperçu de son désir de changement.Mais cette année, c’est le grand ménage. « Mon envie première, raconte l’intéressé dans son studio parisien, c’estde faire de la musique. J’ai commencé par essayer d’écrire un roman, j’ai vite vu que c’était très compliqué.La musique, c’est plus immédiat. »Avec son camarade de jeu Benjamin Lebeau du groupe The Shoes, Raphael trouve un alter ego qui lui manquait peut-être jusqu’à présent. Le duo s’amuse à se renvoyer la balle. Raphael prépare une maquette, une ébauche, Lebeau l’enrichit. Satisfaits de cette matière brute, ils décident de tout faire seuls, sans musiciens superstars, sans producteurs super brillants. Et voici donc « Super-Welter » (une référence au poids de l’artiste en boxe). Il y a d’abord « Manager » et son« Fais gaffe / J’ai pas peur / J’ t’envoie mon manager ».
Sur une base electro, Raphael raconte l’ennui possible dans l’amour. De titre en titre, il brouille les pistes, évoque des réminiscences, ses idées noires comme ses souvenirs d’enfance.Si tout cela peut sembler sombre, le disque se révèle couche par couche, écoute après écoute, comme son plus sincère, son plus émouvant et son plus réussi. De « Déjà vu » à « Asphalte », en passant par « Quand j’aimais vraiment »ou « Voyageur immobile », Raphael plonge l’auditeur dans un état second, il cherche à heurter, à déranger, sans faire de mal.
Comme Bashung en 1982 (qui décida de tourner le dos au succès en s’enfermant en studio avec Gainsbourg pour faire « Play blessures »), Raphael a su monter sur le ring et donner un bel uppercut à la chanson française. Le coup fatal ?
Et c’est déjà beaucoup.