Il s’appelle Raphaël Haroche, mais il a laissé tomber le nom de famille. Après tout, Barbara, qu’il a aimée dès l’enfance, avait-elle besoin de plus qu’un prénom ?
Il a 32 ans, est né en France d’un père russo-marocain et d’une mère argentine. Il est auteur-compositeur-interprète et dans son pays, sa musique est entrée dans toutes les oreilles.
« J’essaie pas de m’expliquer le succès. C’est tellement une histoire de chance. Je sais pas pourquoi ça s’est passé, mais je suis très heureux parce que c’est une expérience très excitante à vivre. Je ne sais pas si ça va se reproduire, mais en tout cas, ça valait la peine de le vivre »,
raconte l’artiste au cours d’une brève entrevue depuis Paris.
Raphaël est le jeune chanteur le plus populaire de France. Son troisième album, Caravane, paru en 2005, s’est vendu à 1,5 million d’exemplaires dans la francophonie et a été couronné de trois prix Victoire, dont celui du meilleur interprète masculin.
Après une tournée triomphale de 130 dates, il débarque au Québec pour la première fois la semaine prochaine. À Montréal d’abord, puis au Grand Théâtre de Québec le jeudi 22 février, en formation acoustique (guitare, basse, piano, accordéon). Peu lui importe d’être presque inconnu chez nous, Raphaël dit qu’il espérait venir jouer ici depuis longtemps.
« Si ça n’intéresse que 50 personnes, ça va. On aura partagé avec les gens qui y seront et puis on aura vu du pays ! Pour marcher au Québec, il faut venir souvent. C’est normal. Alors j’essaierai de venir souvent… »
Dans la conversation, la voix de Raphaël étonne. Elle est nette, relativement grave. En tout cas bien masculine. Alors que dans le chant, Raphaël a toujours une fragilité, une voix sur le fil des émotions, plus haut perchée, plus gamine.
Le monde adulte
Son album Caravane aborde le passage vers le monde adulte, la douleur des rêves brisés, l’inquiétude devant l’avenir, mais toujours avec la foi en l’amour. La tristesse et les tourments que portent les mots de Raphaël font contraste avec des mélodies tournoyantes et des guitares solaires, un peu gitanes. L’artiste cultive soigneusement cette opposition entre l’ombre et la lumière.
« Je suis toujours dans un état sombre, c’est mon état général. Mais je ressens toujours un sentiment d’urgence et c’est une énergie positive. C’est un peu comme le romantisme »,
explique-t-il.
Dans quelques semaines, Raphaël s’envolera vers New York, où il retrouvera Carlos Alomar, le guitariste de David Bowie, avec qui Raphaël a travaillé sur Caravane
. « Je ne suis pas très avancé, je n’ai que des ébauches de chansons pour mon prochain album, j’entrevois des couleurs. J’ai envie de faire quelque chose de très solaire. La musique haïtienne m’inspire. »
Raphaël avait assuré la première partie du spectacle de son idole David Bowie à l’Olympia de Paris en 2002. Par la suite, il a contacté Alomar par courriel, tout simplement. Il est venu à Paris, ils ont mangé ensemble, puis ils ont passé 15 jours en studio.
« C’est un type merveilleux. Moi, j’ai un tempérament mélancolique, lui il est très solaire, donc ça a donné une collaboration extraordinaire. »
Le prochain album sera très proche de la vie présente de Raphaël, un peu comme un journal de bord. Plus question de se tourner vers son passé d’adolescent. « J’ai pas envie de décevoir, mais j’ai pas envie de refaire la même chose non plus », précise-t-il.
Le succès semble lui avoir donné la confiance. Il ne craint pas tellement de décevoir. Il faut dire que Raphaël semble avoir tout le monde derrière lui : le public, la critique et des artistes respectés, comme Jean-Louis Murat, avec qui il a fait un duo en 2003 (Sur la route). Il est rare qu’un chanteur populaire parvienne à créer cette quasi-unanimité.
« On a tellement entendu mes chansons à la radio… Moi-même j’en avais marre et j’aurais pu comprendre qu’on finisse par ne plus vouloir me voir, mais je n’ai jamais ressenti que les gens en avaient marre »
, dit-il humblement.
Peut-être est-ce parce que Raphaël a magnifiquement réuni l’intime et l’universel. Peut-être est-ce parce qu’il a simplement réussi ce qu’il voulait faire, ce
« truc léger comme le vent, un peu mystérieux, où on ne sent pas la fabrication, mais une petite mélancolie et une petite espérance ». Ce truc qui, dans son esprit, définit les bonnes chansons.
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