Raphaël Haroche : « Mes personnages, je les aime bien »

Après le monde de la musique et de la chanson, vous débarquez dans le monde des livres. Vos premières impressions ?    
Ce monde de l’édition, je le découvre. J’y croise des personnes très intéressantes, des gens charmants. Il y a dans ce monde de l’édition une manière très distinguée, ça me parait très relax. Sûrement parce que les enjeux, financiers pour l’essentiel, sont moins exigeants que pour d’autres industries, celle du disque par exemple. Pour cette première expérience, j’y éprouve beaucoup de plaisir. Je prends ça comme un cadeau de la vie- être édité dans la collection Blanche chez Gallimard !

On connaissait Raphael le chanteur mais, là pour votre premier livre- « Retourner à la mer », c’était obligatoire de le signer Raphaël Haroche, vos prénom et nom de famille ?
A vrai dire, je ne me suis pas posé la question un seul instant. Ce livre n’a rien à voir avec le chanteur. Ce n’est pas un livre « people », je n’y parle pas de ma famille, de mes parents, de ma femme ou encore de mes enfants… Et signer de mon nom entier, c’est important pour bien monter que « Retourner à la mer » n’est pas un livre de chanteur !

N’empêche ! avec votre réputation dans le monde de la chanson, ça n’a pas dû être difficile pour trouver un éditeur…
J’ai un ami, Aurélien Masson, qui dirige la Série Noire chez Gallimard. Naturellement, je lui ai montré ce que j’avais écrit mais mes nouvelles n’entraient pas dans le cadre de la collection qu’il dirige. Donc, je lui ai demandé de faire passer mon manuscrit au comité de lecture de la Série Blanche. Je voulais éviter tout passe-droit, ça me paraissait honnête. D’ailleurs, je ne suis pas persuadé que les gens du comité de lecture connaissent le chanteur Raphael !

Quand on vous annonce que vous allez être publié…
… j’étais dans le même état que lorsque j’ai appris qu’allait sortir mon premier album (NDLR : « Hôtel de l’univers », 2000). J’étais heureux. La Série Blanche chez Gallimard, c’est quelque chose quand même,  c’est Albert Camus, c’est Milan Kundera. Ce premier livre, j’en suis fier, c’est une porte qui s’entrebaille, ça m’a rendu très heureux et j’en suis fier. Il plait à des gens proches, à ma femme et c’est important pour moi…

Quand vous écrivez, vous pensez à vos lecteurs ?
Pas spécialement. Ecrire, ça me rend heureux. Avec l’acte d’écriture, on se confronte au réel. Et surtout, j’ai envie que ce que je fais, ça voyage. J’aime bien les arts populaires, ce qui touche les gens. Et puis, surtout, j’aime bien faire de belles choses…

Raphael« Retourner à la mer », c’est un recueil de treize nouvelles… Le format long du roman vous a fait peur ?
J’aime bien les nouvelles, et j’ai du mal, c’est vrai, à m’immerger dans un roman. Mon modèle pour les nouvelles, c’est l’Américaine Flannery O’Connor (1925- 1964). Son écriture est très puissante, presque biblique, elle irradie… Tous ses textes sont des chefs-d’œuvre. Il y a aussi Tchekov, Gogol, Maupassant, Barbey d’Aurevilly, Kafka… J’ai aussi l’impression que le roman exige un effort plus consistant, comme un scénario de film. Pour une nouvelle, avant d’écrire, j’ai déjà la fin- il ne me reste plus qu’à décrire le tableau !

Pendant l’écriture des nouvelles de votre livre, vous avez douté…
…oui, j’ai eu un petit moment de doute. Pour la nouvelle qui donne son titre au recueil, j’avais trop délayé. J’étais parti sur un texte d’une centaine de pages, il a fallu resserrer…

Vos personnages, comment parviennent-ils jusqu’à vous ?
Tout part d’un détail, d’une image. Pour « Retourner à la mer », c’était un veau qu’on mène à l’abattoir, un videur ou encore une chanson. Et mes personnages, je les aime bien. Ils ont tous un bon fond, il n’y a pas de salauds. Ils me ressemblent, il y a une forme de pudeur sans que ce soit de la discrétion… Et ces temps-ci, j’ai à l’esprit une trentaine d’images qui peuvent donner autant de nouvelles- j’ai là le matériau pour un deuxième livre !

Des treize nouvelles de « Retourner à la mer », se dégage une impression sombre, de la tristesse…
Ça ressemble au monde dans lequel on vit, aujourd’hui. Mais je trouve que, dans toutes mes nouvelles, il y a de la tendresse, de l’humanisme. Et une bonne dose d’incommunicabilité…

L’eau, la mer y sont également très présentes…
La mer, c’est beau. Rien ne l’affecte, c’est imperturbable. Je peux la regarder, une journée entière…

Dans vos textes, l’eau et la mer sont, aussi, souvent associées à la disparition…
Mais la disparition, c’est l’acte suprême de l’art. La disparition, c’est extraordinaire…

La disparition, c’est l’acte suprême de l’art. La disparition, c’est extraordinaire…

Comment avez-vous décidé l’ordre des treize nouvelles pour « Retourner à la mer » ?
J’avais une idée précise pour la première et la dernière nouvelle. Je voulais commencer avec le martyr du veau (« Yuri ») et finir avec celui des dauphins (« Retourner à la mer »). Pour les autres, nous avons choisi l’ordre avec l’éditeur. Mais surtout, je voulais monter les marches les unes après les autres.

Chanteur et musicien, vous avez reçu depuis 2001 trois Victoires de la Musique et un César. Dans votre échelle de la reconnaissance, quelle récompense aurait le plus de valeur ? Une Victoire de la Musique, un prix littéraire ?
Un prix, une récompense, ça fait toujours plaisir. Mais si on leur accorde trop d’importance, ce n’est pas une grande sagesse. En même temps, on est tous vaniteux mais je fais des efforts !

Après ce recueil de nouvelles, l’automne prochain, vous sortez un nouvel album puis vous débuterez le tournage de votre premier film. On va vous reprocher de toucher à tout !
Il faut faire simplement les choses. Il faut travailler, avoir une forme d’honnêteté. Voyez Bob Dylan : il chante, il compose, il écrit des poèmes, il peint… Bowie aussi chantait, composait et peignait… Il ne faut toujours faire ce qu’on attend de nous. Il faut surtout avoir quelque chose à dire. Et quand on a l’inspiration, pourquoi faudrait-il s’en priver ? Parce que là, alors, tout est autorisé !

Retourner à la mer
Auteur : Raphaël Haroche
Editions : Gallimard
Parution : 9 février 2017
Prix : 17,50 euros

Signatures:

7 mars 2017 (19h) Nantes. Librairie Coiffard
8 mars 2017 (18h) Rennes. Espace Ouest-France
9 mars 2017 (18) Brest. Café de la Librairie Dialogues
15 mars 2017 (17h) Lille. Le Furet du Nord
23 mars 2017 (18h) Le Havre. Librairie La Galerne
26 mars 2017 (15h30) Paris. Salon du Livre. (Porte de Versailles- Pavillon 1. Boulevard Victor, 75 015 Paris)

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