Pour ce septième album studio, le fringant quadragénaire s’est choisi un titre – « Inspiré de faits réels » – résumant au plus près vingt ans d’une carrière qui fut d’abord assez confidentielle, dans les bars, avant de prendre son envol dans les années 2000.
« Il y a un côté un peu manifeste, oui. C’est ce que j’ai toujours fait, des chansons sur le quotidien, sur la vie de la classe moyenne. Avec ce septième album, j’assume volontiers »
,confie à l’AFP Benabar, décontracté, dans une brasserie parisienne où il vient de finir une assiette d’artichauts.
« Changer de son, changer de look, je ne critique pas, parfois c’est bien. Mais moi, c’est comme ça, j’adore les carrières assez fidèles, celles de Nougaro, Brassens, Cabrel », ajoute-t-il, même s’il glisse, dans un sourire: « c’est assez désespérant pour les journalistes, qui veulent toujours des angles nouveaux, mais moi, je continue de faire ce que je sais faire… »
Le petit-fils d’immigré italien sourit moins lorsqu’il évoque ces sempiternelles « étiquettes » qui le poursuivent, celles qui le décrivent comme trop consensuel, chansonnier plus qu’artiste, ou « bobo » (pour « bourgeois-bohème »).
« Etre allumé dans les Inrocks (le magazine culturel pointu Les Inrockuptibles), c’est un encouragement », clame-t-il dans le dossier de presse de l’album. Au-delà du magazine, avec lequel la guéguerre dure depuis des années, le chanteur estime être la cible de « tout un courant de pensée +branchouille+ qui essaie », dit-il, « de me décrédibiliser depuis dix ans ».
« Mais c’est une chose qui ne me déplaît pas, moi, d’être désigné adversaire principal des petits chanteurs à mèche de Saint-Germain-des-Prés (quartier « bobo » chic de Paris), ce n’est ni un problème, ni une douleur », assure Benabar. « La chanson populaire, de Goldman à Delpech, a toujours été attaquée, je suis content de faire partie de cette bande-là ».
– Second degré et pirouettes –
Ces piques, Benabar parvient à s’en amuser dans le single « Paris By Night » publié au printemps, en imaginant une scène où un videur lui interdit l’entrée dans une boîte de nuit: au chanteur qui lui demande crânement s’il sait qui il est, le videur rétorque: « Ouais, justement… »
Second degré et pirouettes font depuis toujours partie de la panoplie de celui qui fut aussi scénariste pour la télévision. Benabar en use toujours pour évoquer dans son nouvel album ces jolies filles qui font se retourner les hommes malgré eux (« Sur son passage »), le « Comin In » d’un hétérosexuel ou se souvenir, en anglais, d’un flirt ancien avec une Américaine de passage.
Et pourtant, c’est quand il essaie de se passer de ces pirouettes que Benabar parvient à surprendre le plus, pour aborder des sujets plus sensibles.
Par exemple la place d’un enfant dans un couple divorcé, dans la ballade « Titouan » aux airs de Renaud, auquel Benabar a récemment rendu hommage dans un album collectif. Ou ce cauchemar d’enfance qui poursuit l’adulte dans un morceau, « La Forêt », qui tranche avec les autres compositions avec ses claviers sombres et lancinants.
« C’est un choix qu’on voulait faire, éviter des petits facilités perso », reconnaît Benabar, lui-même surpris d’avoir enfanté cette chanson assez différente de son répertoire habituel.
L’ensemble, avec ses refrains enlevés et ses cuivres, ne déroutera toutefois pas les fans, trois ans après « Les bénéfices du doute », un album écoulé, selon son label, à 200.000 exemplaires.
Les retrouvailles avec le public, elles, sont prévues début 2015 pour fêter dignement les vingt ans de carrière de l’artiste, Bruno Nicolini de son vrai nom, qui n’imaginait sans doute pas que le pseudonyme rapidement choisi à l’époque sur un coin de table aurait une si longue vie.
Par AFP – http://www.lexpress.fr/