Avant une tournée des Zénith à partir de mars, vous chantez dans des petites salles : pour vous rôder ?
Oui, ça permet aussi de varier les plaisirs : il n’y a pas de décor sur ces dates, mais une plus grande proximité avec le public, ça apporte autre chose…
Ce retour sur scène, après près de trois ans de pause, vous l’appréhendez ?
J’étais plutôt flippé il y a deux-trois semaines, mais maintenant, les dés sont jetés. On a envie d’y aller. Il y a de nouvelles chansons, bien sûr, une évolution personnelle aussi, du moins je l’espère. Mais le côté festif perdure : comme par le passé, on est nombreux sur scène, il y a des cuivres, des guitares, un accordéon, et désormais des choristes…
Le réalisateur de votre nouvel album, Jean-Louis Piérot, est connu pour sa touche pop-rock, il joue beaucoup de banjo, il y a aussi pas mal d’harmonica : cherchiez-vous un son nouveau ?
Je voulais travailler avec Jean-Louis, je lui ai donc donné quasiment carte blanche. Il a apporté un côté « countrisant » qu’il aime bien, ça s’est fait naturellement. C’est mon sixième album, cela fait plus de quinze ans que je suis sur la route : il y avait une volonté de ma part de ne pas me répéter, d’évoluer. On a donc choisi de ne pas mettre de cuivres sur ce disque, de changer un peu nos habitudes.
Faire l’acteur au cinéma (dans le film « Incognito », sorti en 2009), puis au théâtre procédait-il de ce besoin de changer d’air ?
C’était plutôt du pur opportunisme. Pour Incognito, j’avais participé à l’écriture du scénario, j’étais partie prenante dans le projet. Quand le réalisateur m’a proposé le rôle, j’ai hésité, mais je ne pouvais pas refuser une offre aussi excitante.
Le cinéma, vous y reviendrez ?
J’ai plusieurs projets, et beaucoup d’envies. Mais il y a tellement de bons acteurs de ma génération en France…
Vous aviez débuté dans le cinéma avant de rencontrer le succès dans la chanson, mais ce n’était pas en tant que comédien…
Non, je ne me suis jamais projeté comme acteur, comme chanteur non plus d’ailleurs. Ce qui m’intéressait à l’époque, c’était l’écriture et la réalisation.
Vous dédiez la chanson « Les Mirabelles » à Jocelyn Quivrin, qui jouait avec vous dans « Incognito » et est décédé peu après : aviez-vous noué des liens solides avec lui ?
Je l’ai rencontré pendant la préparation du film, on a vécu très proches pendant une petite année. J’avais le sentiment qu’on allait continuer à se voir régulièrement. Au-delà du drame qu’elle a représenté pour sa famille, sa mort m’a troublé.
D’autres chansons, comme « La phrase qu’on n’a pas dite », versent dans la mélancolie, évoquent des regrets, des occasions manquées…
J’ai une nature assez nostalgique. Mais je n’ai pas de regrets jusqu’à maintenant : à 42 ans, j’ai beaucoup de chance dans ma vie professionnelle. Je m’organise aussi, autant que possible, pour ne pas faire les choses pour de mauvaises raisons : c’est sans doute la meilleure façon de ne pas avoir de regrets.
Et le doute, auquel fait référence le titre du nouvel album, est-ce le moteur de votre inspiration ? Êtes-vous un angoissé ?
Un peu moins maintenant. Sur cet album, je pense que le doute a été plus constructif que castrateur. Avant, j’avais l’impression d’être écrasé. Mais douter est une bonne chose : il faut douter de sa chanson, de sa façon de chanter… Sinon, on devient un imbécile.
La chanson « Politiquement correct », qui ouvre l’album, est-elle une réponse à des critiques que vous avez entendues ces dernières années ?
Pas seulement. C’est en réaction à un discours que l’on entend beaucoup, qui utilise la lutte contre le politiquement correct pour attaquer des valeurs fondamentales, de façon perverse et hypocrite, parfois même franchement suspecte. Par exemple, on ne défend pas le racisme, mais on critique l’antiracisme. Moi qui suis très politiquement correct, je me suis amusé à faire le catalogue de ces valeurs, en les assumant : ce qu’on me reproche, je trouve ça bien. Je pense que ce n’est pas facultatif d’être antiraciste, contre l’homophobie, de ne pas croire qu’il y a trop de juifs dans les médias, de ne pas parler aux gens comme à des chiens…
Avec « Politiquement correct », mais aussi « L’Agneau » ou « Différents ? », vous creusez une veine plus « politique » à laquelle on était peu habitué de votre part…
Peut-être. Ce ne sont pas pour moi des chansons « engagées », mais un peu plus directes, en effet.
Vous aviez publiquement soutenu Ségolène Royal lors de la campagne présidentielle de 2007 : en ferez-vous autant cette année, avec François Hollande ou un autre ?
Non. Je ne regrette pas de l’avoir fait en 2007 : c’était un concert [le 1 er mai au stade Charléty] entre les deux tours, Ségolène était donnée perdante dans les sondages, Sarkozy était très populaire… C’était moins confortable qu’aujourd’hui, alors que je vois pas mal de confrères qui rejoignent Hollande. Ça me semblerait moins naturel cette année. Ce qui ne m’empêche pas d’avoir des opinions et de parler politique. Soutenir un candidat, je trouve ça prétentieux : chacun fait ce qu’il veut, mais je crois que fondamentalement, ça ne sert à rien. Les gens s’en foutent.
Mardi 21 février à Strasbourg (Laiterie, complet) et jeudi 23 à Bâle Grand Casino, complet). Le 20/02/2012 à 05:00 par Propos recueillis par Olivier Brégeard