C’est la bande A Renaud

Paris, le 13 mai. Dans « la Bande à Renaud », Bénabar (à gauche) reprend « la Pêche à la ligne » et Raphaël « Chanson pour Pierrot ». (LP/Philippe de Poulpiquet.) 

Quatre ans et demi qu’il n’a pas sorti d’album. Depuis « Molly Malone, balade irlandaise », Renaud se tient loin de Paris, de la musique. Mais nul ne l’oublie. Et lorsqu’en novembre dernier, son ami et fidèle compositeur Alain Lanty et la directrice artistique Catherine Naubron sont allés chez lui, à L’Isle-sur-la-Sorgue (Vaucluse), pour lui proposer un album de reprises de ses chansons — le deuxième après « Hexagone 2001 » avec uniquement des rappeurs –, il leur a fait confiance. Il a eu raison. « la Bande à Renaud » a fière allure (lire encadré). Parmi ses « héritiers », Raphaël, qui fait sienne la vibrante « Chanson pour Pierrot », et Bénabar, que l’on suit avec plaisir à « la Pêche à la ligne », nous ont parlé de leur attachement au plus insaisissable des chanteurs français.

Qu’est-ce que cela signifie être de « la Bande à Renaud » pour vous ?
BÉNABAR. Je l’aime beaucoup, même plus que ça. Depuis que je suis môme. Il est incontournable pour ceux qui font des chansons en français, qu’on soit chanteur, rappeur…
RAPHAËL. Gamin, sa musique m’a éveillé à l’idée de chanter en français. Il est très original, personne n’a ce langage, ce discours plein d’humour… Et puis il était beau, racé, un personnage romantique et rebelle.
BÉNABAR. T’as raison. Il était super beau, quelque chose d’un chat de gouttière, un mélange de virilité et de féminité.
Vous l’écoutiez à la maison ?
BÉNABAR. En famille. C’est même le premier concert que j’ai vu, avec l’arbre au milieu et « Miss Maggie » (NDLR : la tournée « Visage pâle rencontrer public » en 1989). Je me souviens qu’au collège, c’était très à la mode de l’aimer, mais après, au lycée, c’était ringard. Comme dans toutes les carrières. Mais j’avais résisté à la pression branchouille (rires).
RAPHAËL. Moi, je le regardais en vidéo et l’écoutais en cassette. C’est ma grande soeur qui m’avait branché dessus. Au lycée, j’étais plus rock anglo-saxon, Nirvana, mais j’avais beaucoup aimé son album de chansons du Nord, son film « Germinal », que j’ai revu récemment. C’est un drôle de film. Mais lui est vraiment très bien (rires).
Avez-vous un album préféré ?
RAPHAËL. J’aime « la Teigne », « En cloque », « les Charognards » et évidemment « Chanson pour Pierrot ». Je voulais quelque chose de très simple, piano-voix. Les paroles sont tellement émouvantes.
BÉNABAR. J’adore l’album « la Belle de mai » et la chanson « C’est quand qu’on va où ». Mais Renaud, je l’aime dans son ensemble. On peut parler d’oeuvre. J’avais envie de chanter « la Pêche à la ligne ». Au début, je l’interprétais beaucoup et cela alourdissait tout, cela cabotinait. Les mots sont tellement puissants, il n’y avait pas besoin d’en rajouter.
En 2006, Bénabar, vous avez chanté avec lui sur scène « 100 ans », à l’invitation de Vincent Delerm…
BÉNABAR. Ce soir-là, on avait mesuré la popularité de Renaud. Quand il était arrivé, au troisième couplet, c’était l’émeute, les gens étaient tellement contents de le voir.
Vous êtes ami, comment va-t-il ?
BÉNABAR. Je le vois plusieurs fois par an. Il n’est pas du tout cloîtré, retiré du monde en ermite, il est très entouré. La dernière fois, c’était lors d’un déjeuner avec une partie de « la Bande à Renaud ». Il avait l’air en forme, content qu’on chante ses chansons, qu’elles existent. Il faut que cela reste aussi simple que cela, car personne ne peut chanter mieux les chansons de Renaud que Renaud. Elles sont tellement intimes.
Dans « le Patriote », Raphaël, vous chantiez « Mon pote Renaud, tu nous manques tant »…
RAPHAËL. Son ton un peu déconnant et populaire, comme celui de Dutronc, manque. Mais il a rendu de bons et loyaux services à la chanson, je pense. Et il n’y a aucune obligation à faire des albums tous les deux ans… Qu’on lui foute la paix.
BÉNABAR. C’est la vie, sa vie. C’est un artiste au vrai sens du terme, il est passager de lui-même.