Bénabar: «J’ai vieilli, voilà!»

,

Dix ans de carrière, cinq albums, cinq ans de succès et un garçonnet de 4 ans à la maison. Une vie rêvée de chanteur?

«J’ai de la chance, De la chance de faire ce métier et d’être reconnu pour ce que je fais.»

Comme un gros doute…

Beau fixe, mais… Plume réaliste à l’humour pince-sans-rire, Bénabar aurait pu se reposer sur ses lauriers. Dire «crotte» à la chanson et s’en remettre à son compte en banque. Mais s’il a le sens du refrain qui croche («Y a une fille qui habite chez moi»), l’homme n’a en revanche rien d’un golden boy sans états d’âme.

A l’écoute d’Infréquentable, douze titres fidèles au style musical maison, on se dit que – tiens? – le comique de service broie du noir. Un peu.

«J’aimerais qu’on se souvienne de nous/Si possible en bien/C’est pas gagné, mais y a moyen»,

entonne Bénabar sur un air de fanfare. Révolution? Maturité? Crise de la quarantaine? Réponse de l’intéressé.

«A force, on va finir par me convaincre que ce disque est bel et bien une étape! Peut-être. Mais je crois plus à la longueur. Ma carrière de chanteur, je la vis sans rupture. En quinze ans de musique, je n’ai jamais fait de choses par innocence ou inconscience. Ou alors, si ça a été le cas, aujourd’hui je suis moins surpris du résultat.»

Une petite crise, tout de même. «Des doutes, j’en ai. Pourquoi maintenant? Et bien… J’ai vieilli, voilà!»

Vieillir, la belle affaire. Et se faire larguer, par-dessus le marché? «T’avais du charme et de l’humour/Mais avec le recul/Plus de prestige, plus de glamour…» Dure réalité mise en vers sur Les reflets verts, chronique d’une rupture difficile à avaler.

«C’est du deuxième degré. Mais il y a du vrai. Vous avez eu une rupture? Alors, vous avez constaté que lorsque les femmes parlent de nous, c’est tellement différent de ce que vous imaginiez.»

Premiers bourrelets

Horreur et damnation. Bénabar, lui aussi, a découvert l’altérité des genres.

«Cette chanson parle d’une chose dont je suis fier: la poignée d’amour et le bide. Deux choses que l’on associe à la graisse. Et pourtant, l’une est positive, l’autre est négative. Voilà ce qui me plaît ici: c’est l’ambivalence des choses. Rien n’est simple. Tout est sujet au doute… Oui, j’ai vieilli.»

Maintenant, Bénabar l’admet volontiers, mieux même, il vous l’annonce d’emblée: ce qu’il a toujours voulu faire, c’est de la variété. Comme Souchon, Gainsbourg ou Joe Dassin. De la variété intelligente, dit-il.

«Avant, si tu n’aimais pas mon disque, tu ne m’aimais pas tout court! Aujourd’hui, ça me dévaste moins… Mais je reste suspendu à tout cela. Mon album est-il bien? Moyen? Pourri? J’ai un peu de recul. Un tout petit peu, du moins. Sans songer à la postérité, je m’interroge: qu’est-ce que je vaux?» Question insoluble. Une seule réponse: «Le doute, c’est notre chance et notre malédiction.»

LA TRIBUNE DE GENEVE