Benabar : “J’ai déjà cuisiné un risotto franchement dégueulasse”

,
Votre plus ancien souvenir gustatif ?
C’est la pasta asciutta de ma grand-mère italienne, originaire de la région de Venise. Le plus marquant de mes souvenirs d’enfance, avec tout le folklore qui va avec : tous les mercredis midi, on mangeait cela avec mes frères et mes cousins. C’était un plat simple, mijoté longuement ; on l’adorait, sans en connaître précisément les secrets. Je n’ai jamais retrouvé le même goût depuis. J’imagine que c’est un peu comme un couscous ou un tajine préparé par une mamie algérienne : ça ne ressemble pas à ce qu’on mange dans un restaurant maghrébin à Paris.
Votre éducation alimentaire ?
On a toujours cuisiné à la maison : ma mère, mon père aussi. Une cuisine de partage, parce qu’on a la culture des grandes tablées du dimanche, où ça traîne, ça discute, ça parle fort…
Votre première réalisation culinaire ?
Plutôt sur le tard, quand j’ai commencé à habiter seul. Très vite, je m’y suis mis, mais en me cantonnant à des trucs simples, des pâtes, etc., des trucs de jeune homme, quoi ! Mais que je continue à faire…
Votre plus grand fiasco ?
Il y en a eu de nombreux! Mais le plus spectaculaire, je m’en souviens parce qu’on n’a même pas pu manger le plat, alors que parfois, on peut rafistoler quelque chose de raté et, si les convives sont indulgents, ça passe ! Mais là, non : j’avais tenté, de façon très présomptueuse, un risotto del mare. La recette que j’avais était très compliquée, il fallait fariner les morceaux de poisson, les faire revenir un par un… Je m’étais appliqué à faire ça pendant des heures et c’était complètement raté. Une sorte de pâte plâtreuse, avec du riz trop cuit… Heureusement, c’était pour des bons copains, mais ils ont admis que c’était franchement dégueulasse !
Votre trio d’aliments préférés ?
Le pain, les noix et les huîtres. Ah, et les cèpes aussi ! J’aime bien la saison actuelle, parce que, justement, c’est celle de mes produits préférés. C’est ce qui me donne envie, à la fin de l’été, que l’automne arrive.
Vos convives favoris ?
Les amis surtout, ou la famille, avec mes enfants.
La recette pour laquelle vos amis vous remercient ?
Pour être honnête, je n’ai pas un grand talent de cuisinier, je suis surtout un amateur de bonne cuisine. Je fais à manger simplement. Mais le bourguignon, je le réussis assez bien. Une fois qu’on a pris le tour de main, ce n’est pas trop compliqué. À la différence du poisson, avec lequel, pour un écart de 2 secondes, on passe du bien cuit au trop cuit ! De toute façon, j’ai été traumatisé par mes expériences de poisson… En fait, je demande fréquemment conseil aux commerçants ; je trouve que leurs recettes sont souvent les plus simples et les plus savoureuses.
Votre profil de mangeur : jouisseur ou raisonnable ?
Jouisseur.
Votre type de menu : valeur sûre ou découverte ?
Plutôt valeur sûre… Mais souvent, les bonnes découvertes, cela consiste justement à revisiter les valeurs sûres. Une découverte, pourquoi pas, mais il faut que ce soit très très bien fait ! Si ce n’est pas délicieux, c’est juste un peu prétentieux, snob ou affecté. Cela n’a pas de sens de mélanger n’importe quoi sous prétexte que ça n’a pas déjà été fait.
Votre profil de cuisinier : fidèle à la recette ou tenté par l’impro ?
En cuisine, je ne verse pas trop dans l’improvisation parce que je ne tente pas des trucs intrépides. Si, à la lecture de la recette, je vois que c’est compliqué, je ne vais pas plus loin.
Votre fréquentation des fourneaux : exceptionnelle ou régulière ?
De plus en plus exceptionnelle, malheureusement. Ça a été régulier pendant longtemps mais ça l’est moins aujourd’hui, et pas seulement pour une question de temps. Je m’y mets surtout pour les enfants, parce qu’on fait attention à leur alimentation. Je leur fais goûter des produits bruts, simples, sans sauce… Je m’enorgueillis du fait que ma fille de 2 ans adore les cornichons ! Et mon fils de 7 ans, lui, mange des huîtres. Cela me fait plaisir qu’ils découvrent et apprécient des goûts un peu différents.
Un dégoût viscéral ?
L’anguille ! Et les abats, mais je n’y ai jamais vraiment goûté. L’anguille en revanche, j’ai testé une fois dans un grand restaurant. Tout était excellent, mais avec l’anguille, on a frisé l’incident diplomatique…Définitivement, ça ne passe pas, j’ai un problème avec la consistance !
Un nouvel aliment fétiche ?
Depuis que j’ai les moyens d’aller plus souvent au restaurant : la truffe ! Blanche, ou noire, j’avoue que ça a été une véritable révélation. J’ai un peu honte de le dire mais il faut qu’il y en ait pas mal pour en profiter pleinement. Un soupçon ou une simple huile de truffe, ça ne suffit pas – et c’est pour cela aussi que c’est un truc de privilégiés. Mais bon, je n’en mange pas tous les jours !
Un sujet d’énervement dans l’assiette ?
La façon dont les médias – la télévision, surtout – surexploitent le créneau de la bouffe. Il y a quelques années, je regardais Cuisine.TV très souvent; aujourd’hui, de moins en moins, parce qu’il y a tellement d’émissions sur ce sujet qu’on arrive à saturation. Je ne critique pas le contenu des émissions, il y en a qui sont pas mal, mais je préférerais qu’il y en ait moins, qu’elles restent des moments d’exception.
Un rêve gourmand ?
J’ai un rêve très égoïste, que j’ai eu la chance de réaliser plusieurs fois : c’est de manger avec des chefs dans leur cuisine. C’est vraiment un sommet pour un gastronome.