Bénabar en concert à Arcachon

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Bénabar : « Le bon goût n’est pas une valeur cardinale. Ce qui compte, c’est l’émotion ».

En 2012, Bénabar a passé huit mois sur la route des concerts. Une longue tournée autour des chansons de son dernier album en date, « Les Bénéfices du doute », qui a réuni près d’un demi-million de spectateurs et dont témoigne un DVD live intitulé « Bien l’bonsoir m’sieurs dames ».

 

« Sud Ouest ». Pourquoi cette tournée « En aparté » ?

Bénabar. Pour le plaisir. Depuis une dizaine d’années, j’ai la chance de tourner dans les grandes salles type Zénith. Mais cela fait quelque temps qu’on néglige un peu les théâtres et les villes intermédiaires. C’est pourtant notre boulot d’aller vers les gens. Un chanteur ne doit pas toujours attendre que ce soit le public qui vienne à lui.

Ce sera aussi l’occasion de proposer un spectacle plus fragile. J’adore faire les grandes salles, et c’était un aboutissement pour moi d’avoir pu monter un grand spectacle de variétés, au sens noble du terme. Mais je suis content de revenir à un format plus proche du tour de chant.

Ce ne sera pas un concert acoustique, comme beaucoup de mes collègues font actuellement et comme je l’avais initialement envisagé. Nous serons six sur scène, mais avec une proximité qui nous permettra d’inclure des chansons qu’on n’a pas jouées depuis longtemps (comme « Le Zoo de Vincennes », « La Paresseuse », « Monospace ») et pas mal de nouveautés.

Vous êtes un des rares artistes français à revendiquer le nom de « chanteur de variétés »…

Certains considèrent la variété comme un gros mot, et la traitent avec mépris. Mais le côté commercial ou racoleur qu’ils traitent avec dédain existe dans toutes les musiques, pas seulement dans la variété. J’aime autant Joe Dassin qu’Alain Bashung. Presque malgré moi, en fait. J’aimerais avoir des goûts plus pointus… Mais bon, quand j’étais jeune, j’écoutais plus Julien Clerc que The Clash ! J’assume l’étiquette chanteur de variétés parce que je la trouve très noble. C’est le mariage entre la chanson française et le divertissement. Pourquoi la chanson devrait-elle forcément être quelque chose de pénétré ou de triste ? Les chanteurs qui se la jouent artistes maudits m’ont toujours gonflé.

Aussi vrai qu’en cuisine on ne peut pas manger à chaque repas des plats élaborés, on ne peut pas écouter Barbara ou Tom Waits tout le temps. Moi pas, en tout cas. J’aime aussi écouter des choses considérées comme dérisoires par certains ayatollahs de la culture.

Souffrez-vous du manque de reconnaissance des « détenteurs du bon goût » ?

Franchement non. Sans être méprisant, je m’en fous de ce que pensent de moi « Télérama » ou « Libé ». Le jour où « Les Inrockuptibles » aimeront ce que je fais, il faudra que je me pose des questions (rires). Je dis ça sans provocation ; c’est de bonne guerre.

Le bon goût n’est pas une valeur cardinale, pour moi. Ce qui compte avant tout, c’est le plaisir et l’émotion. Quitte à ce que cela doive passer parfois par le mauvais goût, justement. Moi, j’aime Serge Gainsbourg parce qu’il a fait « La Javanaise » et « L’Ami Caouette » ! Mais les bobos donneurs de leçons préfèrent feindre d’oublier que Gainsbourg a fait « L’Ami Caouette »…

Quels sont vos projets proches ?

Faire des chansons, enregistrer au plus vite un nouveau disque. La tournée « En aparté » nous emmène jusqu’à mi-mai, et je dois tourner un nouveau film juste après.

J’ai adoré faire « Incognito » d’Éric Lavaine, avec Franck Dubosc et Jocelyn Quivrin, qui nous a quittés malheureusement. J’aime beaucoup faire du théâtre ou du cinéma. On fait partie d’une équipe, de 10 ou 50 personnes, qui donnent tout ce qu’elles ont avec un but commun : raconter une histoire. Je trouve ça passionnant.

Je trouve vertigineux de voir comme une idée de départ finit par être incarnée et prendre vie. C’est une chose délirante et passionnante.

Vos chansons aussi racontent des petites histoires…
Oui, c’est vrai. D’ailleurs, dans les deux cas, on parle d’« interprète ». Mais dans la chanson, j’écris mes paroles. Alors qu’au cinéma, on se met au service de l’histoire d’un autre. Mais ça aussi, ça m’intéresse : j’avais participé à l’écriture d’« Incognito » et je travaille actuellement à l’écriture d’une pièce de théâtre avec un scénariste. Je ne me sens pas les épaules assez larges pour écrire un film tout seul.
Comment travaillez-vous ? Avez-vous des habitudes de travail ?
J’écris tout le temps, pas seulement au moment de faire un nouveau disque, car je veux éviter de faire des chansons juste sur un moment. Sinon, après une rupture par exemple, on se retrouverait avec un album qui ne parlerait que de la déception amoureuse. Et puis, écrire tous les jours, ça permet de désacraliser l’acte d’écrire. Voyons les choses en face : ça n’est pas très important, une chanson.
Vraiment ?
Ça peut le devenir, quand ça accompagne un moment d’une vie. Mais s’emplir de solennité avant d’écrire, c’est castrateur. M’asseoir à une table en me disant : « Bon, aujourd’hui, je vais écrire mon « Ne me quitte pas » », outre le fait que je suis certain de ne pas y arriver, ça m’empêcherait d’écrire. Ça me tétaniserait complètement.
Photo par MARINE CORNUT PHOTOGRAPHIE
Vendredi 15 février au Pin Galant à Mérignac (33), samedi 16 à l'Olympia d'Arcachon. De 35 à 44 €. www.benabar.com.