Bénabar: du changement dans la continuité

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On dit que cet album est très différent des précédents. C’est vrai à la première écoute, mais…

“Je suis d’accord avec ça. Ça me fait plaisir que tu parles de première écoute, parce que c’est ce que je voulais. Que, dans un premier temps, on se dise que des trucs ont changé, un peu comme si on changeait les meubles de place. Même si ça reste moi : la voix est mise devant, il n’y a rien d’intrépide, musicalement. Le seul truc auquel je tenais, c’est qu’il y ait une petite couleur, un peu différente. ”

Une couleur un peu plus sombre ? Ces temps-ci, comment ne pas l’être ?

“Il y a un peu de ça, mais je ne me suis pas du tout dit que cet album serait un peu désabusé. Ce n’est qu’en commençant à en parler que je m’en suis rendu compte. Je m’en félicite, d’un certain point de vue : ça me prouve à moi-même que je suis sensible à ce qui se passe .”

Avec le temps qui passe, le regard sur la vie change, forcément !

“Il y a peut-être un peu moins d’innocence. Encore une fois, ce n’était pas du tout un objectif. Je n’ai pas envie de me complaire là-dedans. C’est tellement facile de faire un album triste. J’ai plutôt essayé d’éviter le pathos, la facilité dans l’émotion. ”

Vous étiez un peu tristounet vous-même en l’écrivant ou bien au contraire en superforme ? 

“Un peu des deux. Je trouve ça bien d’écrire sur une longue période. Là, je l’ai écrit sur deux ou trois ans. Quand on écrit un album en deux mois, tout est un peu dans le même mood. C’est une manière de travailler qui ne me va pas. Écrire sur la longueur permet de varier les thèmes, de retravailler.”

L’album a, en partie, été enregistré à Londres. Un vieux Fantasme ?

“Seulement les cordes. À vrai dire, je n’étais pas du tout dans ce trip-là, moi. C’est le réalisateur, qui pensait à un truc pop, à l’anglo-saxonne, qui a proposé qu’on fasse le voyage. ”

Ça fait plaisir, aussi, de retrouver quelques connaissances, dans cet album. Muriel, notamment…

“Ce n’était pas voulu. C’est en écrivant la chanson, au moment de mettre en scène la copine du personnage, que j’ai cherché dans mon petit bestiaire et elle a surgi. A posteriori, quand on écoute la chanson, on se dit que ça ne pouvait être qu’elle, pas de doute .”

Dans Malgré tout, on retrouve le petit trentenaire qui désormais frôle la quarantaine et se demande s’il y aura quelqu’un pour se souvenir de lui. Ça vous taraude ?

“À vrai dire, cette chanson aurait pu être sur l’album précédent. Je l’ai retravaillée, vu que j’ai vieilli. J’allais pas tricher sur mon âge comme une vieille actrice. Ce n’est pas en tant que chanteur que ça me taraude : je n’ai pas de problème avec la postérité, parce que je ne la mérite pas. Moi, je veux être connu de mon vivant ! Disons qu’on est peu de chose, mais autant que ça se sache… “

Bénabar, Infréquentable, Sony/BMG. En concert les 18/02 à Tournai, 20/02 à l’AB et le 21/02 au Cirque Royal de Bruxelles.

Isabelle Monnart