Bénabar a joué jeudi à la prison de La Farlède

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28753632Badge rouge et blanc “Détention 23” autour du cou, Bénabar passe le portique du centre pénitentiaire de La Farlède. « Bonjour. Bruno », se présente-t-il. Les mains se serrent à peine qu’une surveillante lui lâche : « Je kiffe vos chansons. » On lui tend un CD. « Dernière vérification d’identité, s’il vous plaît ! Une étude graphologique ». Et hop, un premier autographe.

Bénabar en prison, c’est le gentil garçon qui vient chanter pour les “bad boys” (1). Dans le gymnase, fermé de lourdes portes, les décibels vont faire vibrer le grillage – et le quotidien des détenus.

Peu à peu, en petits groupes, ils arrivent et peuplent le terrain de sport. M., la cinquantaine, se réjouit d’avance « d’un moment de liberté ». Parce que dit-il, « ça explose les oreilles. La musique, ça vous évade. ». Il sait de quoi il parle, il a une longue peine devant lui.

Belle journée… pour pleurer

Auteur à textes, Bénabar commence sans fard avec « Belle journée ». Chanson faussement naïve : « Une belle journée… pour pleurer ». Il y a du gros son. Rapidement, le public y est. Bénabar raconte ses fables.

Cette maison de famille qu’on achète, et « on s’en met pour trente ans ». Il y a aussi « un sujet très douloureux pour nous les hommes, annonce-t-il. Ce sont les râteaux. J’en ai reçu beaucoup ».

Au piano et voix, moment émouvant et applaudi : « Faut dire qu’on est loin de l’homme idéal ». Ça résonne ? La fin du concert arrive avec « l’effet papillon. Petites choses, dégâts immenses ».

Dans le public, à côté d’une soixantaine de détenus (2), des personnels travaillant à la prison sont venus écouter. Les dames semblent sous le charme.

Bénabar lance : « On vous en remet une petite ? » La salle répond aussitôt. Pour le dernier service, ce sera rock, « Le dîner ».

« Il ne tiendrait pas deux jours ici ».

« À la base Bénabar, c’est pas ma came !, slame presque un détenu, en quittant la salle. Mais beaucoup ont été surpris par sa gentillesse ! » Un autre près de lui enchaîne : « Ici, il y a un public “pro rap”. Mais les gens ont aimé Bénabar. Il est humain ».

Un habitué des années de tôle répond en se marrant : « Il est gentil, il ne tiendrait pas deux jours ici ».

Après une séance de dédicaces, Bénabar passe justement devant eux. « Si je peux me permettre, Monsieur, vous nous faites penser à la musique de Renaud ». Le chanteur les rassure, « c’est un compliment, merci ».

28753633E., presque la trentaine, repart avec deux signatures de l’artiste, assez heureux. Elles sont « pour ma fille et ma femme ».

L’artiste se fait encore attraper au vol. Dans un bureau administratif, on voudrait bien lui faire couler le café. « On vous garde ! », s’amuse une femme, derrière la fenêtre à barreaux.

Bénabar s’avoue « impressionné, d’abord par le lieu. Quand on n’y est pas habitué… »Et surtout, il imagine « tous les destins, qu’on ne connaît pas ». Il a trouvé le public « attentif et bienveillant ». Et réciproquement.

À la porte vers l’extérieur, un avocat sorti d’un parloir remarque des musiciens. « Bénabar ? Ha oui, j’aurais bien aimé. Il y a de bons concerts ici. »

 

1. En anglais, les mauvais garçons

2. Après inscription et sur autorisation de la direction

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